Dans son livre Le Travail pour tous, Samuel Tual propose des solutions positives pour revaloriser le travail. Voici un extrait de ce livre, dans lequel Samuel Tual évoque le réenchantement nécessaire du monde du travail.
J’en ai assez que l’on me souhaite bon courage quand je pars travailler. Je ne comprends pas que, le lundi matin, mes collaborateurs me disent « aller comme un lundi ». Je ne comprends pas que l’on parle de petit boulot et de grandes vacances. Je ne comprends pas que l’on puisse dire « vivement la retraite ! » quand on a 50 ans et quelquefois moins. Alors, le bonheur est-il une idée neuve au sein de l’entreprise ? Comment pouvons nous réenchanter nos salariés ? Nos entreprises ?
Le bonheur au travail existe. En tout cas, c’est possible. Plus le travail manque, plus il est ressenti comme une condition indispensable au bonheur ou du moins à l’équilibre psychique et mental de chacun. J’entendais le témoignage d’une salariée de l’entreprise Gad au journal télévisé. Licenciée du jour au lendemain, cette femme se révolte de voir 21 ans de sa vie professionnelle balayés d’un trait et se demande à quoi va ressembler son lundi matin lorsqu’elle se lèvera. Témoignage fort et emblématique sur l’attachement au travail et à tout l’univers qui l’entoure. Cette femme a perdu non seulement son emploi, mais le bien-être qu’il lui apportait et du même coup, elle se sent dépossédée du pilier qui lui donnait son identité et sa raison d’être au sein d’un groupe social. Le chômage, c’est d’abord un mal-être, une soudaine solitude, une déconnexion du réel et la première étape qui mène à l’exclusion.
En 2010, 69 % des Français étaient contents de se rendre au bureau chaque matin. Ils étaient 77 % un an plus tôt. Mais bizarrement, alors que l’on ne parle que de l’aliénation au travail, de contraintes, de suicides, en 2013, d’après une étude publiée par l’institut Vivavoice, 73 % des Français se disaient heureux dans leur vie professionnelle. Et les plus heureux de tous : les cadres du public, les agriculteurs et les enseignants ! Ils sont heureux car ils croient que leur action est profitable à la société. Les cadres se disent passionnés par leur mission ; les agriculteurs sont fiers de nourrir la planète ; beaucoup d’enseignants restent passionnés par leur métier malgré les difficultés quotidiennes.
Comment exalter la puissance créatrice des individus en débarrassant le travail de ses aspects aliénants ? Réinventer une manière de produire, sortir du « usual business » qui engendre ennui et lassitude. Construire un monde commun dont la finalité n’est pas de travailler plus pour gagner plus, mais de cultiver l’« être ensemble » pour vivre mieux. Remettre l’humain au sein même de l’entreprise « au lieu de voir les personnes comme la cause et la limite de performance, ces entreprises les envisagent comme l’une des composantes majeures des améliorations possibles » écrit Dominique Steiler dans l’Éloge du bien-être au travail*.
*Dominique Steiler, John Sadowsky, Loïck Roche, Le slow management : éloge du bien-être au travail, PUG, 2011.
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